COMMUNIQUE POUR LA PROFESSION

Cher(e)s Collègues,

Nous sommes à un moment critique de l’histoire de notre profession. Après avoir connu des années de pleine expansion au sein de notre système de santé au XXème siècle, force est de reconnaitre que la profession d’ambulancier connait un déclin depuis plusieurs années.

Menacée sur sa viabilité économique, menacée sur sa reconnaissance professionnelle, menacée sur son attractivité, notre profession fait face à de multiples défis qui compromettent notre avenir si nous ne les relevons pas avec lucidité et détermination.

Nous ne pouvons pas continuer sur la même ligne que celle suivie depuis plusieurs années, qui consiste à faire survivre un modèle économique caduc, inadapté à la réalité de nos pratiques d’aujourd’hui. Ainsi, la FNAP a mené un long travail de réflexion pour établir un diagnostic réaliste, proche du terrain (rural et urbain) et construire une vision d’avenir la plus ambitieuse, réaliste et prometteuse possible.

Nous avons bien conscience que tout ne peut pas se régler au cours d’une négociation conventionnelle avec l’assurance maladie. Cependant, la FNAP, porteuse de cette vision d’avenir, souhaite faire infléchir la politique actuelle de notre secteur qui nous mène au chaos pour mener le secteur sur le chemin de notre sursaut et de notre reconnaissance.

Je vous invite à lire avec attention notre programme de transformation de la profession (Télécharger le document) pour le faire vôtre, car nous devons tous être acteur de cette transformation.

En voici quelques points clés.

Une profession au bord de la rupture

Soyons lucide, l’état des lieux des transports sanitaires est morose et tout particulièrement pour les vrais professionnels du transport sanitaire que sont les ambulanciers. Nous nous voyons reprocher en permanence une croissance des dépenses excessives, alors que celle-ci est stable à 2,5% des dépenses de soins totales depuis 2017.

Plus interpellant encore est le fait que cette croissance soit tirée essentiellement par le volume des prestations (et pas par leur prix) bénéficiant avant tout aux sociétés de taxis. Vous le vivez chaque jour, nous croulons sous un travail de plus en plus dense et de moins en moins rentable. Nos équipes s’épuisent et notre satisfaction professionnelle s’érode.

La hausse du volume représente 70% de la croissance des dépenses. Les taxis ont capté 75% de la croissance des dépenses depuis 5 ans. Les vrais professionnels du transport sanitaire eux n’ont subi aucune évolution.

Nous subissons depuis 2021 un choc inflationniste sans précédent ces 3 dernières décennies. En 2022 et 2023, alors que nos charges vont augmenter de plus de 400M€, nos tarifs resteront fixes et se déprécieront en valeur réelle de plus de 10%. Une part importante des sociétés de notre secteur seront en perte sur cette période.

Outre l’inflation, notre modèle économique est caduc. Il ne reflète plus la réalité de notre métier, que ce soit pour la valorisation de notre temps que pour la prise en compte de l’utilisation d’équipements et de consommables. Il encourage l’usage du véhicule le plus coûteux pour l’assurance maladie. Il faut donc le reconnecter à la réalité de nos activités, en considérant la juste valorisation de nos tâches, et le rendre plus efficient.

Alors que l’ambulancier participe à sauver des vies et élève ses compétences dans les services de santé au-delà de la simple logistique, les salaires du secteur sont beaucoup trop bas en rapport avec la valeur et la pénibilité du travail. Un choc d’attractivité dans la profession démarre par une forte revalorisation salariale, ce qui impose de trouver des marges de manœuvre financières pour nos sociétés.

Enfin, notre secteur doit relever un défi écologique. Le secteur des transports sanitaires est responsable de 20% des GES émis en santé, soit 6,6 MtCO2 par an. Nous avons une responsabilité sociétale dans ce domaine aussi.

Seul un changement profond de notre modèle garantira notre avenir

Face à un tel diagnostic, la FNAP a conçu un plan d’actions ambitieux mais réaliste pour relever les défis et relancer notre profession. La continuité avec la politique du passé n’est plus possible, la FNAP n’accepte pas de gérer le déclin.

D’abord, le transport d’urgence est la pierre angulaire de notre profession d’ambulancier, notre raison d’être en tant que professionnel de santé et en tant que maillon stratégique du système de santé. L’évolution des technologies nous fait évoluer vers un rôle de technicien du soin, un acteur à part entière des soins d’urgences qui doit être reconnu.

Pour cela, notre expertise doit être justement valorisée et sa rémunération non amputée par l’achat de matériels imposés par la réglementation. Nous proposons de différencier deux types de forfaits : un forfait honoraire (FH) qui valorise l’expertise humaine pour mener à bien la mission TUPH et un forfait technique (FT) qui valorise les consommables et l’amortissement des équipements nécessaires à la mission.

Pour les gardes ambulancières, le modèle économique doit mieux valoriser les sorties que l’immobilisation de notre véhicule, tout en permettant la continuité du service public dans les campagnes. La troisième sortie et les suivantes doivent nous permettre de ne plus dépendre du revenu minimum garanti (RMG) et de bien rentabiliser chaque sortie. L’usage de la géolocalisation (particulièrement en zone rurale) pourrait éviter des immobilisations systématiques pendant toute la garde, même si le revenu minimum garanti reste indispensable.

Le RMG (par garde), pour tout ou partie, doit pouvoir être facturable en J+1 et payable rapidement. La reconnaissance et la juste valorisation de la pénibilité du travail de nuit s’imposent, sans quoi la faisabilité des gardes de nuit sera compromise, ce qui risque de faire fortement croître les carences ambulancières. Les ATSU doivent être un service public accessible à tous les ambulanciers, tout en respectant le format associatif.

Les sorties blanches illustrent notre rôle de technicien du soin, indépendamment de celui de transporteur. L’application des deux forfaits cités supra (FH/FT) permet de prendre en compte dans les tarifs cette double composante à valoriser de façon indissociable. Comme pour le TUPH, cette revalorisation intègre la forte hausse de nos coûts et la revalorisation de nos compétences et les temps d’immobilisation.

A prestation identique rémunération identique dans le TAP : nous subissons depuis des années l’inégalité tarifaire avec les sociétés de taxis, qui concentre 80% de l’activité taxis en transport sanitaire (seulement 20% pour nos sociétés bicéphales). Alors que ces sociétés de taxis génèrent 75% de la croissance des dépenses, nous avons la double peine de perdre des parts de marché (1% par an dans le TAP) et de ne pas avoir de marge de manœuvre pour revaloriser nos tarifs parce que l’Assurance maladie juge les dépenses trop élevées.

Ainsi, nous demandons l’application aux VSL du doublement du tarif kilométrique appliqué par les taxis en cas de retour à vide au-delà d’une distance à déterminer et du paiement du temps d’attente sur les lieux de soins. Notre forfait de prise en charge et notre indemnité kilométrique sont à revaloriser selon les contraintes de hausse des charges.

Pour le Transport en ambulance, l’application des deux types de forfaits (FH/FT) valorisera mieux notre rôle de technicien des soins d’urgence. Ce nouveau modèle économique nous permettra de prendre en charge dans de bonnes conditions économiques des patients complexes comme les patients de bariatrie (niveau 2 et 3) et du médico-social avec des tarifs spécifiques ajustés à la réalité des charges et à la technicité de la prise en charge.

Nous proposons d’intégrer de nouvelles sources de revenus pour renforcer notre modèle économique, à financer par les usagers et/ou leurs mutuelles. Nous pourrions devenir des prestataires de services intégrés (accès à des prestataires de services, organisation du domicile, achat de médicaments…) pour faciliter le parcours de soins entre chaque secteur, comme le retour à domicile. En étant le liant humain pour le patient entre les lieux de soins, l’ambulancier peut apporter une forte valeur ajoutée, à valoriser pour ceux qui sont intéressés. Ce que nous faisons souvent gratuitement un peu aujourd’hui pourrait devenir source de revenus récurrente demain, sans peser sur les dépenses publiques.

Si le transport partagé est bien la source potentielle principale des gains financiers pour l’Assurance maladie, nous ne pouvons pas être leur seul levier de développement. Ainsi, nous demandons, après avoir déterminé les indications et les circonstances où le transport partagé est réalisable, de faire payer aux patients une franchise pour ceux qui le refusent et choisissent un transport individuel.

Pour générer un vrai électrochoc sur cette pratique, il faut lever tous les freins dont la limite des 10km entre deux patients et la limite de 3 patients par véhicule. Soyons innovant et proposons un vrai transport sanitaire partagé avec de nouveaux véhicules de type minibus qui assureront avec sécurité et confort le transport de plusieurs patients.

Notre bénéfice sera double : nous récupérerons des parts de marché dans le TAP car les sociétés de taxis ne suivront pas cette voie du transport collectif d’une part et nous pourrons mieux négocier des revalorisations conséquentes avec l’assurance maladie dont les économies avec le transport collectif seront substantielles, d’autre part.

Notre avenir nous engage aussi vis-à-vis de la société

Cette transformation de la profession d’ambulancier pour une avenir meilleur doit s’accompagner d’une évolution favorable de notre image, d’une plus forte reconnaissance auprès de l’ensemble des autres acteurs du système de santé et auprès de l’opinion publique.

Pour cela, nous devons tout mettre en œuvre pour renforcer notre éthique par la transparence de nos activités et être sans concession contre les pratiques frauduleuses ou déloyales de quelques-uns, qui salissent toute la profession.

Grâce au transport sanitaire partagé et au renouvellement de notre flotte pour des véhicules plus sobres, nous pouvons devenir des acteurs très engagés dans la décarbonation de notre système de santé et de notre économie en général. Grâce au nouveau modèle économique proposé, nous pourrons mener une politique plus ambitieuse de responsabilité sociétale en entreprise (RSE), pour le bien-être de nos collaborateurs et pour le bien public.

Tout ceci conduira à renforcer le poids de notre filière dans le système de santé, tout en recouvrant notre fierté pour notre métier. Ce nouveau modèle sera source d’une amélioration substantielle des conditions de travail pour nos équipes qui créera un cercle vertueux pour améliorer la prise en charge de nos patients, nos résultats financiers, tout en étant efficients aux yeux des Pouvoirs Publics. 

Bruno BASSET
Président FNAP